Dynamiques et défis du fédéralisme multinational

Alain-G. Gagnon
Alain-G. Gagnon
Les drapeaux du Canada et du Québec flottent en harmonie en arrière-plan de l'emblématique Château Frontenac, incarnant l'esprit du fédéralisme multinational au cœur de la Ville de Québec. / Photo de Phiend

Le choc des légitimités est le dernier volet d'une trilogie qui a débuté avec La Raison du plus fort et s'est poursuivi avec L’âge des incertitudes. Cette série de livres explore les nuances et les complexités du fédéralisme multinational et de la diversité nationale. Chaque livre, bien que différent dans son approche et son analyse, contribue au développement d'un cadre global pour comprendre ces concepts.

La Raison du plus fort se concentre sur l'importance des éléments normatifs dans les sociétés multinationales, tandis que L’âge des incertitudes offre une réflexion philosophique sur le rôle des États dans la gestion de la diversité nationale et du fédéralisme. Ensemble, ces ouvrages posent les bases de Le choc des légitimités, qui synthétise et développe les idées précédemment développées, offrant une nouvelle perspective sur la relation dynamique entre les majorités et les minorités dans les États contemporains. Cette trilogie contribue à la compréhension des problèmes actuels du fédéralisme et de la diversité nationale dans un contexte mondial en constante évolution.

La raison du plus fort

La Raison du plus fort se concentre sur l'intégration des principes normatifs des philosophies libérales contemporaines pour comprendre et renforcer les communautés au sein des entités étatiques. Ce travail met l'accent sur la nécessité de respecter des principes tels que la justice, l'égalité, la liberté, la fraternité et la solidarité, essentiels à la stabilité et à la légitimité des États.

Sans reconnaissance du pluralisme national, les sociétés compromettent leur potentiel politique.

Le livre examine la tension entre le principe communautaire, égalitaire et démocratique, appliqué différemment en fonction de l'orientation multinational ou territoriale des fédérations. À travers des exemples du Canada et de la Belgique, il explore comment les décisions politiques influencent la dynamique entre les communautés nationales et les gouvernements centraux.

Au Canada, la réticence de la majorité à soutenir le principe communautaire est contrebalancée par la reconnaissance de la légitimité démocratique du Québec à des moments clés. En Belgique, l'accent mis sur la compartimentation culturelle et linguistique et la capacité de l'État a conduit à des résultats de fragmentation identitaire similaires à ceux observés au Canada, bien que par des voies différentes. Ces cas mettent en évidence la complexité des relations au sein des États fédéraux et la nécessité d'approches diversifiées pour relever les défis du fédéralisme multinational.

L’âge des incertitudes

L’âge des incertitudes a adopté une approche plus philosophique pour explorer les complexités du fédéralisme et de la diversité nationale. Ce travail visait à stimuler une réflexion profonde parmi les acteurs politiques et sociaux sur le fonctionnement de l'État et la répartition des fonctions souveraines, en tenant compte des besoins et des attentes des nations minoritaires au sein des États multinationaux.

Le livre a mis l'accent sur la nécessité pour les États de reconsidérer les fondements de leurs relations de pouvoir, en réponse aux aspirations nationales des communautés politiques qui ont participé au pacte constitutionnel. Cette réévaluation vise à mieux répondre aux besoins d'affirmation nationale et à renforcer la légitimité des structures politiques existantes.

Dans ce travail, deux idées principales ont été avancées. Tout d'abord, il a été argumenté que le nationalisme libéral, peut-être plus que toute autre forme de libéralisme, possède les qualités fondamentales nécessaires pour établir des pratiques démocratiques plus complètes et inclusives. Cette perspective vise à répondre aux critiques fréquentes qui considèrent le nationalisme comme un danger pour les sociétés contemporaines, en proposant un modèle où le nationalisme et le libéralisme ne sont pas seulement compatibles, mais aussi complémentaires.

Deuxièmement, le travail a souligné que l'idéal fédéral ne peut pleinement s'épanouir que dans les démocraties libérales matures. Cette idée va à l'encontre des théories libérales classiques héritées des Lumières et propose un renouveau de la pensée humaniste. La contribution de Yael Tamir, avec son ouvrage Liberal Nationalism, a été particulièrement influente en interconnectant de manière innovante le libéralisme et le nationalisme.

En opposition aux idées de John Rawls, tout en reconnaissant ses contributions à la conception du libéralisme individualiste, ce livre a proposé une réorientation des relations d'autorité, en mettant l'accent sur le pluralisme national en tant qu'élément central de la structure de l'État. Cette approche souligne qu'en l'absence d'une reconnaissance adéquate du pluralisme national, les sociétés risquent de compromettre leur potentiel et de rendre leurs actions politiques moins légitimes. Ainsi, ce travail propose un cadre où l'individu et la communauté sont pris en compte de manière équilibrée, offrant une vision renouvelée de la cohabitation harmonieuse au sein des États multinationaux.

Le choc des légitimités

Le choc des légitimités se concentre sur l'établissement de modèles politiques ouverts à la reconnaissance des nations au sein des États multinationaux, un concept applicable à la fois en Occident et en Orient. Ce travail transcende la simple programmation de recherche pour offrir une réflexion profonde sur l'état actuel de la pensée fédérale, en s'appuyant sur des exemples canadiens et européens, ainsi que sur l'évolution des institutions internationales en termes de souveraineté partagée.

Le livre, structuré en sept chapitres, commence par explorer l'évolution des États et leur interaction avec les droits des nations minoritaires, mettant en évidence la tension entre la légalité et la légitimité dans des contextes politiques complexes.

Le deuxième chapitre aborde les politiques nationales imposées par les gouvernements centraux, souvent au détriment du fédéralisme multinational et de la souveraineté des États membres.

Le troisième chapitre examine la réalisation du multinational en tant que sujet politique et l'adoption de la souveraineté relationnelle pour faire face aux défis inhérents aux sociétés démocratiques complexes.

Le quatrième chapitre offre une critique de l'ordre politique canadien, mettant en lumière les récits historiques concurrents et la tendance du gouvernement central à adopter des politiques de reconnaissance minimales. Cette analyse s'étend à la transition du Canada vers un État post-national.

Le cinquième chapitre poursuit ce thème en évaluant la valeur de la diversité sous toutes ses formes pour les démocraties libérales avancées.

Le sixième chapitre se concentre sur les pratiques des organisations internationales en ce qui concerne la reconnaissance du droit à l'autodétermination. Il aborde la question du partage de la souveraineté et les attributs spécifiques des différents régimes, mettant en évidence les avancées et les revers des nations en quête de reconnaissance.

Enfin, le septième et dernier chapitre explore le potentiel de l'État fédéral multinational pour les nations en quête d'affirmation, notamment dans un contexte où les puissances internationales sont réticentes à l'émergence de nouveaux États. Il met en avant la nécessité de scénarios d'autonomisation pour les nations au sein des États multinationaux, afin de contrebalancer les déséquilibres politiques au sein de fédérations démocratiques complexes.

Conclusion

En résumé, ces trois ouvrages, bien qu'ils diffèrent par leur approche et leur contenu, tissent ensemble un récit cohérent sur la complexité du fédéralisme multinational et de la diversité nationale.

Le choc des légitimités offre une perspective enrichie et mise à jour sur ces thèmes, s'appuyant sur les fondations établies par les deux premiers ouvrages, tout en ouvrant de nouvelles voies de réflexion sur le rôle et la place des nations minoritaires dans les sociétés démocratiques contemporaines.

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Président de la Société royale du Canada, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études québécoises et canadiennes, directeur du Centre d'analyse politique : Constitution et fédéralisme, et professeur titulaire au Département de science politique, UQAM, Montréal.